Une histoire d'art mystérieuse

Dans l'après-midi du mercredi 31 octobre 1979, Christian Villambard a visité un petit antiquaire de la rue du Pont Vieux dans le vieux Nice. La rue du Pont Vieux est une étroite rue piétonne qui part de la place où se trouve l'impressionnante cathédrale Sainte-Réparate du 17ème siècle. Monsieur Villambard s'est présenté à Jean-François Boissonade, le propriétaire du magasin d'antiquités et lui a demandé s'il pourrait être intéressé par l'achat de certains meubles du 20ème siècle. Un rendez-vous est pris et Jean-François Boissonade se présente la semaine suivante au domicile de Christian Villambard, rue Benoît Bunico toute proche. Les meubles et autres objets divers intéressaient Boissonade. Il posa des questions sur une petite image accrochée dans le couloir.

Que savait M. Villambard de cette image? Villambard a déclaré l'avoir acheté dans un café de Sainte-Maxime environ sept ans auparavant à un homme qui vendait diverses œuvres d'art aux clients du café assis sur la terrasse ensoleillée. Villambard a déclaré qu'il n'avait aucun intérêt réel pour le tableau, mais qu'il était heureux de payer 150 francs à l'homme qui avait l'air d'avoir besoin d'un peu d'argent. Par la suite, la fille de Villambard avait toujours aimé les couleurs vibrantes du tableau et l'avait gardé sur sa coiffeuse. La conversation revint à l'achat du mobilier et des autres articles divers, et les prix convenus. Boissonade a remis à Villambard un compte rendu détaillé des articles achetés et des prix payés. Y compris la petite photo, achetée 200 francs. De retour dans la boutique, Boissonade a catalogué et photographié tous les articles et les a présentés à la vente, la petite photo ajoutée à la vitrine. Le lundi 26 novembre 1979, Jean-François Boissonade a ouvert la boutique comme à son habitude à 10h. Immédiatement, il remarqua que la caisse avait été forcée et vidée de peut-être 300 francs. Quelqu'un était entré par effraction par la petite fenêtre au fond de la boutique. Après une inspection plus approfondie, il a remarqué que la vitrine avait été endommagée. Et la petite image avait disparu. La police est venue et Boissonade a expliqué qu'il ne manquait rien d'autre que l'argent liquide et la photo.

18 mois plus tard

Près de 18 mois plus tard, l'illustre maison de ventes parisienne, le Cabinet Garnier Perrin publie son catalogue pour sa prochaine vente d'œuvres d'art. L’un des premiers lots a été décrit comme une scène côtière méditerranéenne de 15 cm sur 11,5 cm, artiste inconnu, non signée, marquée au dos au crayon «I t» ou «H» 72.

David Hockney

David Hockney est l'un des artistes les plus brillants et les plus influents de notre temps. Dans les années 1960, Hockney avait réalisé une série de peintures autour du thème d'une piscine aux couleurs vives. Voici «Bigger Splash» de 1967.

En avril 1972, Hockney a passé quelque temps à Saint Tropez et ses alentours pour rechercher un autre travail de piscine. Il a pris des centaines de photos et a probablement fait des croquis et de petites peintures pendant son séjour. Toujours sur ce thème, «Autumn Pool» de Hockney s'est vendu à 1 329 250 £ (environ 1 534 645 €) en 1978.

LA VENTE AUX ENCHÈRES À PARIS

Retour en salle des ventes en avril, le petit tableau volé à la boutique de Nice devait se vendre environ 500 francs français (environ 75 €). Le marteau a frappé pour l'équivalent de 42 350 €. Bien sûr, la vente a suscité une forte attention médiatique et a été largement couverte par les journaux le lendemain. Karine Boisonnade, étudiante à la Sorbonne et fille de Jean- François Boissonade, l'antiquaire niçois, lit l'un de ces journaux et voit la photo du petit tableau. Reconnaissant interviennent à la maison de ventes Garnier Perrin peu après. Une ordonnance du tribunal a été mise en place pour interrompre le transfert des fonds payés pour la photo et sa livraison à l'acheteur, tandis qu'une enquête approfondie commence.

Jean-François Boissonade a pu fournir à la police l'original du bon de commande et des photos de la photo qu'il a prise lors de la réception initiale dans son magasin de Nice ainsi que le constat de vol enregistré. Le tableau avait été mis en vente par un marchand d'art à la retraite, Charles Cherbuliez de Marseille, qui affirmait l'avoir acheté sur un étal d'art du marché local. Il pensait que l’image avait «quelque chose » et a décidé de tenter, par instinct, de la mettre aux enchères à Paris. Il est décédé dans un accident de voiture quelques semaines après l'enquête. L'achat de l'image à la vente aux enchères a été annulée. L'identité de l'acheteur n'a jamais été révélée. Jacques Riberolles, qui était alors le spécialiste de l'art contemporain chez Garnier Perrin, a très peu parlé de l'incident. Sauf pour affirmer que son cabinet était la première maison parisienne à obtenir un prix aussi élevé pour ses vendeurs.

Alors, que s'est-il passé entre alors et maintenant?

La propriété du petit tableau est attribuée à la famille Boissonade en 1983. Jean-François Boissonade prend sa retraite et ferme sa boutique à Nice en avril 1986. Il donne le tableau à sa fille. Karine a terminé ses études à la Sorbonne et s'est mariée plus tard dans une famille de célèbres propriétaires de chevaux de course. Elle garde la photo sur sa coiffeuse jusqu'à ce jour. Karine a passé un certain temps à enquêter sur la photo. Peu de choses ont été trouvées, si ce n'est pour établir que l'image représente une vue depuis la plage de Cannes sur le massif de l'Estérel, proche de Saint Tropez et de Sainte-Maxime.