12 février 2022 | Culture
Saint Valentin, medley de poèmes d'amour
À l'approche de la Saint Valentin, l'équipe de Pure France partage quelques poèmes d'amour de poètes français.
À une passante, Charles Baudelaire
La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
À ma bien aimée, Paul Verlaine
Je connais tout, même moi-même '. Je ne sais rien, même de toi. Je suis l'inconscient et j'aime Je ne sais qui, jusques à moi !
Mais je n'ignore pas quiconque. Et ce quiconque-là, j'y suis Pour lui parler si, dans la conque De son oreille, ce pertuis !
II désire que je lui glisse Telle parole ou bien un mot Et s'il voulait qu'on lui foutisse Un compliment de matelot.
Je suis de ce siècle et de toutes Les décadences et je suis Ce pèlerin qui, par les routes. Et me congèle et me recuis.
Et sans peur ni de la mort verde Ni de la vie en rose, j'ai Pour réponse à tel propos gai, Triste ou riendutoutiste : M...
À la femme aimée, Rénée Vivien
Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,
Le ciel mêlait aux ors le cristal et l'airain.
Ton corps se devinait, ondoiement incertain,
Plus souple que la vague et plus frais que l'écume.
Le soir d'été semblait un rêve oriental
De rose et de santal.
Je tremblais. De longs lys religieux et blêmes
Se mouraient dans tes mains, comme des cierges froids.
Leurs parfums expirants s'échappaient de tes doigts
En le souffle pâmé des angoisses suprêmes.
De tes clairs vêtements s'exhalaient tour à tour
L'agonie et l'amour.
Je sentis frissonner sur mes lèvres muettes
La douceur et l'effroi de ton premier baiser.
Sous tes pas, j'entendis les lyres se briser
En criant vers le ciel l'ennui fier des poètes
Parmi des flots de sons languissamment décrus,
Blonde, tu m'apparus.
Et l'esprit assoiffé d'éternel, d'impossible,
D'infini, je voulus moduler largement
Un hymne de magie et d'émerveillement.
Mais la strophe monta bégayante et pénible,
Reflet naïf, écho puéril, vol heurté,
Vers ta Divinité.